LE GHANA, L’AVANCÉE SUR LA ROUTE DE L’APV
Invité par la UK Timber Trade Federation, LCB avait l’occasion de se rendre au Ghana pour témoigner des efforts ayant été fournis par les services forestiers nationaux depuis le début du processus d’Accord de Partenariat Volontaire avec l’Union européenne, entamé dès l’année 2009. Patrick Baraize, chargé de mission RBUE chez LCB, a pu se rendre dans ce pays qui lui était inconnu, pour visiter une exploitation forestière, deux scieries (JCM Mill et LLL Mill), et rencontrer tous les acteurs nationaux participant à cet énorme effort collectif. Témoignage.
« Le voyage devait durer 4 jours, mais n’en durera malheureusement que 3 suite au retard de mon vol initial. Mais qu’à cela ne tienne, ils ne partiront pas sans moi en forêt ! Je rate donc l’étape de départ dans la capitale Accra, mais arrive juste à temps pour attraper notre vol pour Kumasi. Nous atterrirons juste avant qu’un gros orage éclate. Nous verrons tout au long du chemin qui nous amènera (sur les chapeaux de roues) à notre hôtel, que la foudre frappe fort et que les vents peuvent être violents. En effet, à peine sortis de l’aéroport, un immense panneau publicitaire nous barre la route. « Ce panneau était en l’air quand je suis passé il y a 5 mn… », nous indique le chauffeur en souriant. Pas de voiture en dessous, c’est l’essentiel.
Sur le reste de la route, c’est plutôt de la tôle ondulée qui nous barre la route par-ci par-là, puis un autre panneau, plus petit, cette fois belle et bien sur le toit d’une voiture. Cela n’a pas l’air de perturber nos chauffeurs, toutes sirènes hurlantes, et qui doublent à contre-sens en klaxonnant sans arrêt. S’ils ne trouvent rien à redire, alors nous non plus.
Néanmoins, on est plutôt soulagés lorsqu’on arrive à l’hôtel. Les présentations sont faites. Welcome to Ghana !
Dès le lendemain, la visite commence donc enfin.
Nous partons en voiture de Kumasi pour Sewfi Wiawso, dans le Sud-Ouest du pays. C’est dans ce district et les forêts alentours que l’ensemble du Timber Legality Assurance System (TLAS) a été testé de A à Z, pour juger de son effi cacité, avant de l’étendre au reste du pays. Ce sont tous ces efforts qui seront présentés par la « Ghana Forestry Commission » à l’UE pour avancer dans le processus FLEGT.
De nombreux représentants de la GFC sont là pour nous accueillir chaleureusement, et nous présenter les différents aspects de leur système de gestion des forêts, ainsi que du système de traçabilité des bois abattus. Le TLAS du Ghana paraît très bien développé.
La gestion des unités forestières et la cartographie précise de chaque parcelle, des arbres à maturité (diamètre supérieur à 50 cm), et des rotations à effectuer pour ne pas trop peser sur une seule et même partie de la forêt (plans de gestion sur 40 ans), sont bien pris en compte.
Ce système qui existe depuis longtemps sur papier, est sur le point d’être transposé numériquement, à l’aide de tablettes électroniques. Cette évolution technologique devrait permettre à la GFC de gagner beaucoup de temps, et donc au commerce de s’effectuer de manière plus fluide.
Une fois les arbres à maturité identifiés et coupés, ces derniers sont marqués et seront suivis le long des différentes étapes de transformation qu’ils subiront avant une éventuelle exportation via le WTC (Wood Tracking System). Tout au long de la chaîne d’appro-visionnement, des contrôles sont mis en place pour assurer la traçabilité des ressources.
Sur le papier, tout a donc l’air parfait. On nous propose donc de nous rendre en forêt, afin de juger par nous-même des méthodes employées.
Une fois sur place, force est de constater que la théorie est bien appliquée à la lettre dans la parcelle que nous visitons. Les arbres sont marqués en fonction de leur diamètre, selon une méthodologie simple mais efficace. L’abattage est effectué en favorisant un impact moindre sur les arbres alentours. Une fois au sol, l’arbre est marqué des informations qui le suivront tout au long de son cheminement de la forêt au port d’exportation.
Le lendemain, nous visitons deux scieries, l’une proche de la forêt visitée à Sewfi Wiawso (JCM),
l’autre de retour à Kumasi (LLL). Ma première impression est que nous sommes tout de même face à des machines d’une autre époque.
Sciages, tranchages et déroulages sont effectués par des machines un peu archaïques, et peu automatisées.
Malgré cela, tout à l’air de bien fonctionner. Les lieux sont propres, des zones sont réservées pour les déchets, les ouvriers ont accès à tous les équipements de sécurité nécessaires, parmi ceux-ci on compte de nombreuses femmes, et on nous assure que les salaires ont convenables.
Le constat est le même dans les deux scieries. Leurs dirigeants nous parlent de l’intérêt du système FLEGT si l’APV arrive au bout du processus. Ils travaillent conjointement avec la GFC pour faire évoluer les pratiques et sont fiers des progrès accomplis.
Le dernier jour, les fédérations du bois dont LCB fait partie, sont invitées à rencontrer des industriels et entreprises ghanéens. Ceux-ci en profiteront pour souligner le fait que toutes les entreprises de transformation du pays, n’ont pas les mêmes capacités de travail que celles que nous avons visités, et insistent donc pour que nous puissions nouer avec eux des relations commerciales, leurs permettant de profiter également du processus APV / FLEGT.
Cet entretien renforce le sentiment qui était le mien durant ce court séjour. Ce que nous avons vu était réellement intéressant et très rassurant sur la fiabilité du TLAS Ghanéen. Le système est complet, fonctionnel et intègre des notions de durabilité des ressources et une dimension sociale non négligeable (notamment un versement de 5 % des bénéfi ces aux communautés locales, aux différentes étapes de production).
Malgré cela, ce que nous avons pu observer est un échantillon idéal. Une parcelle de forêt bien accessible, parfaitement cartographiée, des ouvriers bien protégés. Un système de marquage complet pour les arbres abattus, des contrôles entre les étapes de transformation, une traçabilité renforcée. Des usines de transformation là encore bien tenues et respectant leurs ouvriers (les deux sont par ailleurs certifiées FSC Chaîne de contrôle et/ou Control Wood).
Mais cela est-il représentatif de tout le secteur ? Tout le pays est-il sur un même niveau de performance ?
La réponse nous est donnée par la GFC elle-même. La région de Sewfi Wiawso a été choisie comme « mètre étalon » du TLAS. C’est bien ici que l’on s’efforce de créer un système complet et cohérent, qui sera conforme aux exigences européennes. C’est ce système qui n’est appliqué à 100 % que dans certains districts, que nous devons juger, car il sera la base de ce que l’ensemble du pays devra atteindre.
Quels sont alors les prochains défis à relever ?
Il va falloir accompagner toutes les entreprises, peu importe leur taille, à atteindre le même niveau de performance. Celles que nous avons vues faisaient partie du haut du panier. Il va falloir communiquer sur les essences présentes dans le pays, et sur leurs capacités techniques afin de les comparer à d’autres essences plus connues. Il va également falloir s’assurer que les bois ne provenant pas des forêts contrôlées par le GFC (soient les réserves forestières comptant pour 40,8 % de la surface forestière globale) intègrent correctement les chaînes d’approvisionnement en respectant le système de légalité national (paiement des taxes, permis de coupes, etc.).
Malgré tous ces défis encore à relever, mon sentiment était très positif, à l’image de celui de l’ensemble de
notre délégation. Le système « idéal » qui nous a été présenté est solide. Si le pays se base dessus et parvient à l’étendre à tout le pays, l’UE pourra sans nul doute finaliser l’APV avec le Ghana. De plus, le pays a d’autres atouts non négligeables : C’est un pays stable politiquement, avec un indice de corruption (47) nettement au-dessus de ses voisins, et qui dispose de bonnes infrastructures routières. Tous ces éléments sont également rassurants dans un contexte commercial.
LCB dispose donc de nombreuses informations sur l’APV au Ghana, sur le système de traçabilité et de légalité TLAS (intégré à la DR de LCB), et dispose désormais de nombreux contacts sur place afin d’aider ses membres à mieux connaître ce pays, et pourquoi pas envisager de nouveaux échanges commerciaux ».
Patrick Baraize
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